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Parkour et gymnastique - une relation heureuse ?

Je critique ici un article de De Bock et al. publié dans Sport in Society. L'article présente le cas de l'intégration du parkour dans la fédération flamande de gymnastique comme un cas exemplaire de cohabitation heureuse d'une fédération traditionnelle avec un sport alternatif. Comme je le montre dans ce qui suit, l'article présente d'importants défauts méthodologiques et théoriques. De plus, des évènements survenus après la récolte de donnée des chercheurs viennent invalider leurs conclusions.

La (més)appropriation du parkour #

En 2017, la Fédération Internationale de Gymnastique (FIG) s'est approprié le parkour de manière unilatérale et top-down. Elle basait notamment sa légitimité sur le fait que plusieurs fédérations nationales de gymnastique (Suède, Pays-Bas, Belgique) travaillaient de près ou de loin avec le parkour. L'indigence de cet argument était visible même sans entrer dans ses détails, puisqu'il suggérait qu'une relation significative entre parkour et gymnastique n'existait que dans trois pays. Le reste du monde ? Juste un espace à coloniser.
Mais l'argument était également trompeur parce qu'il masquait le fait que cette relation entre gymnastique et parkour posait déjà problème au niveau national. Certains traceurs belges critiquaient leur fédération de gymnastique, affirmant ne pas se sentir représentés et déplorant un manque de transparence. Ils envisageaient alors de créer une fédération autonome, projet qui, on le verra, sera avorté. Des traceurs suédois ont rédigé une lettre pour dénoncer la mésappropriation du parkour par la FIG. Pour ce qui est des Pays-Bas, je n'ai pas eu d'échos de controverses nationales, mais qui sait ce qui se passait derrière la façade institutionnelle. Finalement, la vision donnée du parkour sur les sites de ces fédérations de gymnastique nationales posait un problème en soi, puisqu'elles mettaient en avant la pratique en salle et les modalités "acrobatiques" a.k.a. le freerunning. Autrement dit, les meilleurs exemples d'intégration du parkour dont disposait la FIG n'étaient pas consensuels et ne faisaient que confirmer les craintes de celle et ceux pour lesquels l'identité du parkour consiste en autre chose que d'être de la gymnastique au rabais.

Qu'en est-il 7 ans plus tard ? Un article récent fait état de la situation en Belgique, prenant l'intégration du parkour à la fédération de gymnastique comme un modèle de "réconciliation" entre deux disciplines culturellement distinctes[1] En très bref, l'article propose que les fédérations sportives sont confrontées à l'émergence de nouvelles disciplines qui menacent leur hégémonie. Intégrer ces nouvelles disciplines pose des défis, puisqu'il y a des différences culturelles et organisationnelles qui rendent réticents au changement des acteurs de part et d'autre. Grâce à des procédures bottom-up, la fédération flamande de gymnastique (Gymfed) serait parvenue à faire accepter le changement au sein de la Gymfed comme dans la communauté de parkour nationale. Un succès managerial érigé en exemple à suivre. Mentionnons que l'abstract omet complètement de mentionner qu'il est question d'une fédération régionale, du cas de la Flandre spécifiquement. Si vous ne souhaitez pas payer 53$ pour lire l'article en entier, vous pouvez être induits à penser que le parkour a été inclus avec succès au sein de la FIG.

Le conflit culturel #

L'article pose comme problème central un conflit culturel. Ni les traceurs, ni les gymnastes ne voient une adéquation entre la culture du parkour et celle de la gymnastique. D'un côté, les traceurs ont leur propre philosophie, sont peu ou mal organisés, et craignent la rigidité de la gymnastique, faite de normes et de critères d'exécution standardisés. De leur côté, les gymnastes associent les traceurs aux "tatouages, drogues et à la criminalité". Ce n'est pas la première fois que les traceurs sont présentés comme des sauvages, mais les exemples cités dans l'article sont passablement extravagants:

"Certains traceurs sont venu pieds nus à la première réunion, et même si les managers de la Gym étaient habitués à travailler avec des gymnastes pieds nus, ils étaient surpris de cette culture et philosophie vestimentaire spécifique de la communauté du parkour."

On voit mal comment cet exemple spécifique représente un véritable obstacle institutionnel. D'habitude, il s'agit plutôt du type d'argument qui vient légitimer une appropriation paternaliste du parkour. Si les traceurs ne sont pas capables de s'organiser, ni même de se vêtir convenablement, c'est dans leur intérêt que des institutions légitimes peuvent encadrer leur pratique. C'était un argument de la FIG en 2017. Evidemment, on ne pose jamais la question de savoir si la manière dont les traceurs s'organisent (car ils s'organisent) convient à leur pratique. Pour aller tracer dans la rue avec mes amis, je fais appel à un téléphone portable, pas à une fédération internationale. Est-ce à dire que je suis mal organisé ?
C'est assez fascinant de voir comment le modèle traditionnel, avec sa hiérarchie d'associations et de fédérations, est tellement central qu'il nous rend incapables de comprendre et de mettre en mots d'autres manières de s'organiser. Prenez ce passage révélateur: "la communauté du parkour était moins organisée en termes de structure organisationnelle". Quel language vague, que rien de descriptif ne vient appuyer. Comment quantifie-t-on l'organisation ? Qu'est-ce qu'une structure organisationnelle ? On imagine pourtant bien ce que cela veut dire: les traceurs n'avaient pas de fédération, de systèmes de règles formelles écrites par un comité technique, etc. Sans doute que les traceurs s'organisent différemment. On attend encore les chercheurs ou commentateurs qui s'attacheront d'abord à décrire comment les traceurs s'organisent avant d'affirmer qu'il s'organisent moins.

Surtout, l'idée d'un conflit "culturel" masque d'autres réalités, plus essentielles à mes yeux, qui sont des conflits politiques et techniques. Ce passage de l'article en est représentatif:

"'Une frustration majeure de notre communauté était que de nombreux coachs de gymnastique ne connaissent pas l'exécution technique du parkour' (répondant 11). Donc l'image de la Gymfed ne respectait pas le culture originale du parkour."

On peut sans doute voir dans les propos du répondant 11 une question d'authenticité: les coachs de gymnastique ne connaissent pas les authentiques techniques de parkour. Mais l'angle de l'authenticité culturelle n'épuise pas ce que dit le répondant 11. Il semble dire que les coachs de gymnastique sont tout simplement mauvais techniquement. Dans cette perspective, ce que la Gymfed ne respecte pas ce n'est pas "la culture originale", mais de légitimes exigences de qualité de l'enseignement. Selon un de mes informateurs belges, les traceurs avaient demandé à ce que les exigences concernant la formation des moniteurs de parkour soient relevées: formation plus longue, mise en place d'une évaluation, etc. Demande que la fédération avait refusé. On voit bien qu'il y a là une question de qualité de la formation qui est distincte de la question de l'authenticité culturelle. On peut soupçonner que pour une partie des gymnastes, le parkour n'est pas une discipline propre, et qu'un ou deux jours de formation sont tout à fait suffisants pour être en mesure de l'enseigner. Après tout, c'est le fruit de jeunes (avec des tatouages et des drogues et des crimes et à pieds nus) qui jouent dans la rue.
Bref, il faut mettre de côté la question culturelle pour se rendre compte que les gymnastes n'ont tout simplement pas le savoir-faire pour enseigner convenablement le parkour, ou du moins que ce savoir-faire ne tombera pas du ciel. Et penser que cet aspect ne porte que sur l'exécution de techniques corporelles standardisées, c'est avoir une vision extrêmement techniciste, et donc pauvre, du parkour. Comment trouver un spot ? Comment l'utiliser ? Comment apprendre et trouver des progressions quand il faut s'adapter à l'environnement, plutôt que d'adapter l'environnement ? Comment adapter les techniques à la dureté du béton ? Quels sont les éléments spécifiques à la culture du parkour qu'il s'agirait de transmettre, et comment les transmettre ? Comment organiser une jam ? Il faudrait faire l'inventaire de tous ces savoir-faires qui sont incarnés dans et spécifiques à la communauté du parkour. Le gymnaste peut hausser les épaules, et dire qu'il n'enseignera que dans une salle de gym, sur des tapis, et que la plupart de ces questions ne le concernent pas. A la rigueur, ses élèves pourront s'y intéresser en dehors de ses cours. Bien sûr, il peut hausser les épaules, certains traceurs ne se sont pas gênés pour faire de même. Ce faisant il abandonne une partie du parkour. Juger s'il s'agit là d'une partie essentielle du parkour ou non relève peut-être du conflit culturel. Mais résumer les enjeux à un conflit culturel enferme le débat dans le relativisme. Ou faut-il comprendre qu'avoir des exigences de qualité élevées relatives à l'enseignement fait partie de la culture du parkour et pas de la gymnastique ?

Le conflit politique #

En adoptant une perspective managériale ainsi que le prisme du conflit culturel, l'article pose essentiellement comme présupposé que les fédérations préexistantes sont "confrontées" à des nouveaux sports, et qu'il est bien naturel de les intégrer. Pourquoi est-ce que la FIG ne s'approprie pas le football, si elle est en quête de popularité et en particulier d'un public masculin ? Voilà une question absurde que personne ne se pose. Mais le simple fait que le parkour existe impose à la fédération de gymnastique de se "réconcilier" avec lui. Apparemment cela ne doit surtout pas se présenter sous la forme de la collaboration entre deux fédérations autonomes. Quand l'article parle de "développer un sport alternatif (lifestyle) dans un contexte de fédération", on comprend bien qu'il s'agit ni pour une fédération préexistante d'inventer un nouveau sport, ni pour les pratiquants d'un sport alternatif de développer leur propre modèle de fédération. Lorsque l'abstract affirme fournir "aux communautés sportives des informations sur les intentions des fédérations à l'égard de leur sport", il faut comprendre qu'on parle de fédérations qui ne sont pas spécifiques à ce sport. C'est comme si la possibilité d'une fédération spécifique pour une sport alternatif (lifestyle, etc.) n'était même pas pensable. Est-ce parce que les pratiquants de ces disciplines sont stupides ? En tout cas l'article ne s'intéresse qu'à des cas d'appropriation.
On sait d'avance qu'il s'agit d'une solution peu recommandable, la source même du conflit culturel que l'article se propose de résoudre, comme le rappelle la conclusion d'un rapport financé par le Centre d'Etudes Olympiques:

"Nous encourageons le CIO à continuer à travailler avec des fédérations spécifiques aux sports d'action (au lieu de s'adapter aux FI existantes qui peuvent ne pas comprendre et respecter les systèmes de valeurs culturelles distinctifs et ne pas être conscientes des enjeux importants au sein de ces sports)."[2]

L'inconscience des enjeux internes est patente dans l'article. Ainsi, lors d'une consultation, "la fédération a découvert que la communauté n'était pas prête pour plusieurs de ses objectifs". Quels étaient exactement ces objectifs ? En quoi la communauté n'était pas "prête" ? Surtout, pourquoi la communauté devrait-elle être prête pour les objectifs d'une fédération non spécifique à ce sport ? Est-ce parce que la communauté n'est pas prête, ou parce qu'elle poursuit des objectifs divergents ? L'article avance que la Gymfed a mis de côté la question de la compétition en parkour, au vu du peu d'intérêt des traceurs. Un succès, du point de vue de la possibilité pour les traceurs d'influencer les décisions de la fédération. Mais dans ce cas, parler d'être "prêt" ou non parait cynique. Ce n'était pas un de leurs objectifs. Au nom de quoi est-ce une déficience ou un manque de préparation ?
Si dans la logique de l'article la nécessité de réconcilier parkour et gymnastique parait inéluctable, c'est sans doute qu'il présente la Gymfed comme soumise à des pressions externes. Ainsi, l'article affirme que la Gymfed aurait commencé à développer un programme de parkour (sous le nom de freerunning) en 2017, suite à l'appropriation par la FIG. La FIG donne le ton, la Gymfed s'adapte. Mais notons deux choses que l'article omet de mentionner. Premièrement, rappelons qu'en 2017 la FIG tentait de construire sa légitimité sur le fait que le parkour était en bonne relation avec la gymnastique en Belgique. Faut-il comprendre que cet argument était bidon ? Deuxièmement, une recherche sur webarchive montre que la Gymfed disposait du site internet wearefreerunning.be déjà en 2014. Comment comprendre alors le processus d'institutionnalisation et d'appropriation ? Qu'est-ce qui a déclenché le rapprochement entre les deux disciplines ? L'article ne permet pas de le comprendre. Pourtant, plusieurs responsables de la Gymfed ont participé à l'étude; ont-ils oublié ce qui s'est passé entre 2014 et 2017 ? Etait-ce négligeable ?

Bref, au delà du conflit culturel entre deux disciplines, se pose des questions politiques ou éthiques. Une fédération sportive peut-elle s'approprier une autre discipline ? Sous quelles conditions ? Qui peut parler au nom d'une communauté de pratiquants ? Qu'est-ce qu'un représentant légitime pour une communauté peu organisée formellement ? Qui peut prétendre être un gardien ou intendant authentique pour une discipline sportive ? Ces questions sont complètement éludées par l'article. Ainsi, "Gymfed a délégué le leadership et la propriété à la communauté pour le futur développement du parkour." On met un traceur dans une position de leader, problème réglé. L'article n'explique pas qui est cette personne, comment elle a été sélectionnée, cooptée ou élue, de quelle manière elle représente la communauté. Doit-elle rendre des comptes à la communauté ? De quelle manière ? Quels sont les dispositifs mis en place pour mettre un contrepouvoir de la communauté ? A-t-elle des leviers pour contester la légitimité du leader ou des décisions de la fédération ? Je ne cherche pas là à mettre en doute la légitimité de cette personne, bien au contraire. Mais pour un papier qui se présente comme offrant un savoir solide sur la manière de gérer l'inclusion d'une nouvelle discipline au sein d'une fédération, les informations sont très insuffisantes.

Gym et parkour: une relation heureuse ? #

Venons en finalement au cœur de l'article: l'inclusion du parkour au sein de la Gymfed aurait été couronné de succès. Au moment de leur collecte de donnée (2020), seuls 44 des 250 clubs de gym représentés offraient des cours de parkour, soit 16%. Si ça c'est le meilleur exemple mondial d'intégration du parkour au sein de la gymnastique, on est en droit de se poser des questions. Ai-je besoin de revenir sur l'argument bidon de la FIG en 2017 ?
Selon l'article, des processus bottom-up ont permis à la communauté de rester maître du navire tout en bénéficiant d'un support de la Gymfed. Les traceurs ont renoncé à créer la fédération indépendante à laquelle ils songeaient en 2017. Qu'ont sacrifié les traceurs ? Ils ont dû accepter de travailler avec des institutions formelles et hiérarchiques, évidemment. Cela n'aurait pas été bien différent s'ils avaient créé leur propre fédération, passons. Un deuxième "petit" sacrifice est qu'ils ont dû adopter l'étiquette freerunning alors qu'ils préfèrent parler de parkour. Notez tout de même l'ironie de la situation: les traceurs ne sont pas même restés maitres du nom de leur propre discipline.
Quoi qu'il en soit, selon l'article la Gymfed a consenti a d'énormes efforts et s'est montrée bien intentionnée et ouverte aux suggestions. Alors que la situation était très conflictuelle et controversée en 2017 (argument bidon de la FIG ?), les processus de consultation et de représentation utilisés depuis ont permis de faire accepter la situation par la communauté.

Il faut maintenant venir sur des questions de méthodologie. L'article se base sur des entretiens avec 11 membres de Gymfed, et 10 traceurs. Bizarrement, dans le tableau récapitulatif de l'article, deux traceurs se sont volatilisés et il ne reste que 19 répondants. Mystère méthodologique. Parmi les traceurs interrogés, la plupart participent dans des groupes de travail de la Gymfed. Seuls 3 semblent donc externes à cette organisation. Prendre en compte la méthodologie employée est essentielle, parce que l'article parle d'une situation qui n'est (a priori) pas consensuelle. Or, si il y a des voix qui s'opposent encore à l'inclusion du parkour au sein de la gymnastique, on n'en saura rien, ou alors seulement du point de vue de ceux qui ne s'y opposent pas. Celles et ceux qui font partie du groupe de travail de la Gymfed ne sont pas nécessairement d'accord sur tout ce que la Gymfed fait, mais ils ont au moins accepté de jouer ce jeu là. Au sujet de celles et ceux qui ont peut-être refusé de jouer le jeu, ou ont tenté puis se sont retirés, rien ne peut être dit. Peut-être n'existent-ils pas, et qu'il y a un véritable consensus. Mais à cause de la méthodologie employée, c'est quelque chose que l'article n'étaye pas. Le risque de biais du survivant ou biais de sélection est grand. De fait, les chercheurs ont employé un échantillonnage en boule de neige, en partant d'un manager de Gymfed. Imaginez: vous terminez votre entretien avec ce manager, et vous lui demandez de vous pointer vers d'autres personnes qui pourraient vous renseigner sur l'intégration du parkour au sein de Gymfed. Quelle est la probabilité que le répondant suivant soit un puriste radicalisé anti-gymnastique ?

Dans une situation conflictuelle, le chercheur a une position précieuse: il n'est (normalement) pas directement impliqué dans la controverse, et peut donc interroger des personnes de part et d'autre des barricades. Les participants à la controverse, eux, ne peuvent pas si facilement traverser les barricades. Lorsqu'ils communiquent, c'est au sein de la controverse. Lorsqu'ils se parlent, c'est par-dessus la barricade. Le chercheur est donc dans une position privilégiée de pouvoir recueillir des propos des deux côtés, et de les mettre en perspective. L'échantillonnage en boule de neige être une méthodologie désespérément inappropriée pour ce genre de situation. On aurait donc souhaité avec quelques informations sur les efforts que le chercheurs ont ici fait pour être certains de ne pas être enfermés d'un côté de la barricade, mais ces informations manquent. Peut-être est-ce parce que la situation est devenue tellement consensuelle qu'il n'y a plus de barricades. Mais c'est aux chercheurs de nous le démontrer. Sinon, nous, lecteurs, sommes en droit d'être sceptiques.

Je dis tout cela à titre d'indication méthodologique pour toute personne souhaitant étudier un sujet controversé, mais aussi pour tout public d'une controverse, qui est susceptible d'être manipulé par des arguments aussi peu étayés que ceux présentés dans cet article. Un peu de rigueur voyons. Faites mieux. Cela étant dit, prenons l'article pour argent comptant. Je dispose de quelques informations au sujet de l'institutionnalisation du parkour en Belgique, dont certaines qui proviennent par hasard d'un pratiquant qui a participé à l'enquête. Rien de ce qu'il m'a dit me conduit à remettre en question la ligne générale de l'article, du moins si l'on imagine que le temps s'est arrêté en 2020. Mais selon lui, depuis la récolte de données, la Gymfed a changé de ligne, au point de rendre inopérantes les conclusions de l'article. En très bref, dans le but de réaffirmer son identité de fédération de gymnastique, la Gymfed a sapé les tentatives de développer une identité propre pour la discipline parkour. Si vous voulez mon interprétation retrospective le ver était dans le fruit depuis le départ, avec le refus pour les pratiquants de choisir le nom de leur propre discipline. Mais en tout cas, si l'on en croit ce pratiquant, qui s'est désillusionné et éloigné de la Gymfed, on peut certainement pas parler de réconciliation culturelle. Le processus a donc conduit à un échec. Apparemment le plus dur est de tenir la distance. Notez que ce que je fais ici, ce n'est pas simplement présenter une perspective opposée à celle de l'article. L'article s'appuie sur les propos d'un informateur, informateur qui a constaté que la situation a changé depuis qu'il a été interrogé. Autrement dit, si les chercheurs avait fait un suivi sur un temps plus long, ils auraient eux-mêmes fait le constat de l'échec (au moins partiel) de la stratégie de la Gymfed.

J'ai fait comme si l'article en question était une analyse sociologique étayée empiriquement. Mais l'article vise explicitement à servir les décisions de managers. Avis donc aux managers: la stratégie de la Gymfed s'est in fine avérée être un échec. Tout n'est peut-être pas à jeter, puisque la stratégie a connu quelques succès à court terme. Mais l'ériger en exemple comme le fait cet article, c'est un leurre. On reste donc en attente d'un exemple documenté d'intégration heureuse d'une discipline "alternative" dans une fédération sportive traditionnelle.


  1. De Bock, T., Scheerder, J., Theeboom, M., Schyvinck, C., De Clerck, T., & Willem, A. (2023). An organizational change perspective on the incorporation of parkour in a gymnastics federation. Sport in Society26(12), 2033–2054. ↩︎

  2. Wheaton, B., & Thorpe, H. (2016). Youth perceptions of the Olympic Games : attitudes towards action sports at the YOG and Olympic Games / Belinda Wheaton. University of Waikato. New Zealand. ↩︎