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Reportage Radio Chablais sur Vevey Trace - Lettre ouverte

Ce texte est une lettre ouvert en réaction au reportage de Radio Chablais concernant un évènement compétitif organisé à Vevey en juillet 2023.

« Cher Monsieur Trachsel,

En qualité de président de l’Association Suisse de Parkour (SPKA), je vous contacte au sujet de votre sujet du 23 juillet concernant le Swiss Parkour Series.

Vous mentionnez que « le « parkour », pour se structurer et espérer un jour figurer au programme olympique, a fini par intégrer en Suisse le giron de la gymnastique. »

C’est tout à fait faux. Il s’agit d’une appropriation top-down, unilatérale et ultra-vires de la Fédération Internationale de Gymnastique, que la Fédération Suisse de Gymnastique a décidé de suivre depuis 2021 malgré les tentatives des pratiquants du parkour de l’en dissuader, et malgré l’existence de SPKA depuis 2018. Pour les quelques personnes qui espèrent encore que la gymnastique portera le parkour au Jeux olympiques, qu’ils modèrent leurs attentes : le président de la FIG a affirmé récemment qu’il n’y avait pas de but d’inclure le parkour aux Jeux Olympiques. La raison non avouée étant qu’il serait impossible pour la FIG de le faire étant donné les règlements actuels du CIO.

De plus, cette affirmation est extrêmement paternaliste. Les pratiquants du parkour ont toujours eu leurs propres structures. Voir comme seul objectif valable les compétitions revient à invisibiliser le travail acharné de centaines de personnes depuis des dizaines d’années pour développer et enseigner le parkour.

Vous affirmez d’ailleurs que le parkour a des « longueurs d'avance dans la partie alémanique du pays, de même qu'au Tessin » où « Plusieurs écoles y ont vu le jour ». En fait, le Tessin peine à s’organiser et très peu d’associations y sont actives. La Suisse Romande et Alémanique ont un développement similaire, avec un nombre d’organisations proportionnel à leur population respective. En Suisse Romande, on mentionnera notamment Parkour Valais, Parkour Lausanne, Parkour Expo, L’Arche, Flow Park, X-trem Move, KBS…

Vous voyez bien que la FSG ne nous aide pas à nous structurer, et tente comme elle le peut de nous invisibiliser. Pourtant elle n’a rien inventé ! Même ce « championnat national » qui est le sujet n’est qu’une copie du Swiss Parkour Tour, organisé par SPKA depuis 2019.

Vous mentionnez que « les athlètes romands étaient très peu nombreux. Dans cette région de la Suisse, le « parkour » doit encore se développer. » C’est surprenant quand on compare à l’étape de notre Swiss Parkour Tour à Lausanne en 2022 qui a réuni une quarantaine de participants.

Mais en fait ce n’est pas si surprenant que ça, vous aviez presque tous les éléments dans votre article pour le comprendre.

« A l'origine, ce sport se voulait être alternatif, très urbain, avec des relents artistiques. » La connotation de « mauvaise odeur » a de quoi surprendre ici. L’art vous dégoûte ? n’en dégoûtez pas les autres. De nombreux pratiquants défendent toujours les aspects alternatifs, urbains et artistiques, parmi d’autres, de leur discipline. Et clairement, ces aspects ont leur visibilité à la fois dans l’espace urbain comme sur internet, mais n’ont certainement pas leur place dans une compétition. Vous affirmez que « la compétition y a occupé un rôle de plus en plus important. ». Peut-être que s’il y a si peu de participants, c’est aussi parce que la compétition n’est toujours pas la finalité du parkour, pour l’essentiel des pratiquants ? Vous estimez également que l’appropriation du parkour par la FSG a « créé de réelles dissensions, voire des tensions dans le milieu. » Est-ce que vous ne pensez pas que, peut-être, cela a quelque chose à voir avec le fait que peu de pratiquants se rendent à ces évènements ?

On peut donc facilement résumer pour comprendre pourquoi il y a eu si peu de participants à Vevey le week-end dernier. Seule une minorité des pratiquants voient la compétition comme une finalité de leur discipline. Il y a des évènements de parkour qui correspondent mieux à la culture du parkour et aux attentes des pratiquants. La FSG s’est approprié une discipline dont elle ne connait rien, et s’est mis à dos la plupart des pratiquants, qui refusent de participer à leurs évènements.

La FSG doit donc brasser la Suisse entière pour parvenir à réunir suffisamment de participants pour organiser une compétition. De notre côté, nous n’avons certes par la force de frappe de la plus grande association sportive nationale, notamment pour réunir des sponsors et des médias, mais ce que nous savons faire c’est réunir les pratiquants de notre discipline, développer notre culture et nos techniques, et transmettre le patrimoine que nous avons créé pour les prochaines générations de pratiquants. Ce n’est pas un hasard si la formation Jeunesse et Sport Parkour est sous l’égide de SPKA, et non de la FSG. Du côté des médias, vous pouvez faire le choix : nous aider à développer et structure le parkour, ou continuer à invisibiliser notre travail.

Cordialement,

Yann Daout »