Skip to main content

À propos de la non-mixité dans le milieu du parkour : constats, questionnements et perspectives

Pour commencer cet article, j'aimerais contextualiser un peu : qu'est-ce qu'on entend ici par non-mixité ? Ce dont on parle ici, c'est de non-mixité politique, pas simplement de non-mixité comme on en trouve dans les toilettes publiques. Bien entendu, la non-mixité n'est pas spécifique au milieu du parkour : on la retrouve historiquement dans beaucoup de milieux militants. Elle consiste simplement en une pratique partagée par un groupe social, généralement oppressé ou en conflit avec un autre, qui cherche à créer des espaces spécifiques de discussion, d'activité, de vie, etc., en n'étant pas en présence de l'autre groupe. Dans le cas qui nous intéresse, on parlera spécifiquement de la non-mixité de genre. Cette pratique féministe découle du constat que notre société est fortement genrée et patriarcale : les rôles sociaux sont, implicitement ou non, attribués dès la naissance, et toute une gamme d'activités et de places dans la société sont réservées presque exclusivement aux filles ou aux mecs. De fait, parmi bien d’autres conséquences de ce clivage, que l'on ne développera pas ici, les filles sont grandement victimes de cette répartition des rôles. Qu'elles essayent ou non de transgresser la place qu'on leur attribue, elles n'en sortent de toute façon pas gagnantes, le choix se limitant souvent à la soumission ou la répression plus ou moins explicite de leur comportement hors-norme. La non-mixité, dans ce contexte, s'inscrit comme un outil d'émancipation des filles – donc de lutte – contre le regard et le jugement des mecs, ainsi que de leur comportement. Il est bon de rappeler que ce n'est qu'un outil, pas une fin (revendiquer un droit à la non-mixité ne veut pas dire qu'on veut se débarrasser des mecs…), et qu'il n'est pas non plus parfait (il n'y a pas que les mecs qui ont des comportements ou propos sexistes à l'égard des filles…).

Sans grande surprise, le milieu du parkour n'est clairement pas exempt de sexisme. Le patriarcat s'y retrouve, comme partout ailleurs dans la société. Une des conséquences les plus visibles de ce système de normes est que l’écrasante majorité des pratiquants sont des mecs (parmi les membres de la FPK, en France, 84 % des pratiquant.e.s sont des mecs). Toutefois, beaucoup d'autres comportements récurrents chez les pratiquants sont symptomatiques : qui n'a jamais entendu de propos virilistes pendant un entraînement ? La performance physique est très souvent associée à des critères masculins : « avoir les couilles de le lancer », « sois un vrai mec », etc. À l'inverse, l'image de la féminité « fragile » revient souvent elle aussi : « même les filles ont réussi », « fais pas ta fillette », « tu bouges comme une fille », etc. Il est à noter que le sexisme du milieu du parkour tourne habituellement autour de la performance. Il n'est pas tant question de trouver « anormal » qu'une fille fasse du parkour, mais plutôt qu'elle y soit douée. D'ailleurs, combien de fois ai-je entendu dire d'une pratiquante douée qu'elle « bouge comme un mec » ?

Cela soulève deux idées intéressantes. D'un coté on constate que la croyance qu'une fille est forcément moins performante qu'un mec a la vie dure ; de l'autre on en revient à la vieille question du rapport à la performance dans le parkour. Nous avons tous constaté à quel point la valorisation de la performance est croissante dans notre pratique. L'union de ces deux problématiques donne lieu à des considérations très peu inclusives : j'ai souvent observé des groupes de mecs refuser de bouger avec des filles de peur qu'elles « ralentissent », que ce soit « moins fun », sans même connaître leur niveau, sans jamais les avoir vu bouger. Le fait de refuser de bouger avec quelqu'un à cause de son niveau est déjà en soi critiquable, mais préfigurer du niveau de cette personne sur la base de son genre, voilà une conséquence-clé du patriarcat dans le milieu du parkour. Son symptôme le plus impressionnant s'observe quand certains pratiquants ne considèrent même pas une pratiquante, pensant qu'elle est sûrement la copine d'un traceur du groupe, venue regarder, mais n'imaginant même pas qu'elle puisse faire elle aussi du parkour. Une conséquence moins évidente est le fait que beaucoup de pratiquants approchent leur relation avec les pratiquantes de façon paternaliste. Typiquement, proposer sans cesse aide, parades et conseils aux pratiquantes, là où on se serait bien abstenu si c'était un mec.

Ce qui est terrible avec le sexisme et plus généralement avec les normes oppressives, c'est qu'elles sont souvent très bien intégrées par leurs victimes. Et c'est une des raisons qui explique qu'aussi peu de filles s’intéressent d'elles-mêmes au parkour ou poussent leur démarche jusqu'à rejoindre un groupe. En effet, chez les nombreuses débutantes avec qui j'ai pu discuter de cette question, les deux problèmes que j'ai soulevé se retrouvent : nombre d'entre-elles sont convaincues d'être forcément moins performantes que des mecs et sont convaincues que c'est forcément un problème pour le groupe. Beaucoup ne continuent pas à pratiquer parce qu'elles ne se sentent pas progresser, qu'elles ont l'impression que ce n'est pas « adapté » pour elles ou encore parce qu'elles ne se sentent pas à l'aise dans un groupe de plus haut niveau qu'elles, et qu'elles se sentent comme un poids pour le groupe.

Laissons ces constats de coté pour l'instant pour parler d'un autre facteur expliquant la moindre proportion de filles dans le milieu du parkour. Il s'agit de celui du sexisme classique, des comportements qui ne sont en rien spécifiques au milieu du parkour. Il n'est guère surprenant que, dans des groupes majoritairement masculins, peu de remise en question de certains comportements ou de certaines normes ait lieu. Les comportements les plus communs que j'ai pu observer sont la mise en concurrence des pratiquantes par les pratiquants (repérer celle qui bouge le mieux, celle qui n'est « pas comme les autres »), leur sexualisation/objectification (« qui n'a jamais rêvé d'avoir une copine qui fait du parkour ? »), voire carrément des comportements de type harcèlement physique ou moral (typiquement, proposer une parade systématiquement n'est pas juste paternaliste, c'est souvent intéressé, et j'ai déjà vu beaucoup de gens en abuser pour mettre une main aux fesses en rattrapant la pratiquante, ou ce genre de choses). Par ailleurs, on peut noter que dans le milieu du parkour, comme partout ailleurs, les filles n'occupent presque jamais de postes à responsabilités, que ce soit dans l'administration des structures ou dans l'enseignement.

Mis bout à bout, ces comportements et ces normes intériorisées aussi bien par les mecs que par les filles ne sont clairement pas un climat d’accueil favorable pour que des filles s’initient à la pratique, et encore moins pour qu'elles ne s'y épanouissent ou ne se l'approprient. Du manque de confiance en soi au jugement des autres, des remarques sexistes aux excès de certains, il devient donc important de se poser les bonnes questions pour faire changer ça.

C'est ici que la question de la non-mixité entre en jeu : beaucoup d'associations ont fait le choix de l'instauration d'un créneau en non-mixité pour facilité l'intégration des filles dans le milieu du parkour.

Évidemment, la non-mixité en tant que telle dispose de plusieurs avantages évidents. Je tiens à distinguer deux objectifs très différents qui sont d'une part, le « recrutement » de filles dans les communautés de parkour, et d'autre part, l'intégration et l'épanouissement effectif de ces pratiquantes.

Sur la question du recrutement, la non-mixité s’avère plutôt efficace, les associations proposant de la non-mixité ayant un taux de participation féminin bien plus élevé (28 % à PKL, contre une participation féminine inférieure à 15 % dans n'importe quelle autre structure suisse). Cela s'explique principalement par deux facteurs : d'un coté, l’existence d'un « créneau fille » permet à la structure qui le propose d'avoir une communication tournée explicitement et exclusivement vers un public féminin sans donner l'impression qu'il s'agit d'une groupe de mecs en manque de fille qui recrute (bien que ce soit pourtant souvent le cas, mais on y reviendra). De l'autre, l'idée d'un créneau fille est séduisante pour les pratiquantes potentielles qui n'osent pas ou ne veulent pas rejoindre un groupe majoritairement masculin, ou qui ne sont pas à l'aise avec l'idée de pratiquer un sport qu'elles voient elles-mêmes comme masculin. On retrouve dans ce second point le rôle historique de la non-mixité : une stratégie de défense et d'émancipation face aux normes patriarcales.

Sur la question de l'intégration et de l’épanouissement, la non-mixité permet aux filles de se retrouver en majorité (la non-mixité est rarement exclusive, on reviendra sur ça aussi) dans un groupe, ce qui diminue grandement le poids des stéréotypes négatifs liés à la pratique féminine du parkour, lié à la pression sociale. Cela permet également de favoriser les liens d'entraide fille-fille, là où un groupe majoritairement masculin favorise les comportements d'aide unidirectionnelle mec-fille, voire de compétition fille-fille. Même si les avantages sont évidents, le bilan est plus mitigé car, même pendant les créneaux mixtes, les groupe affinitaires sont encore rarement mixtes et les filles qui s'installent durablement dans la pratique restent peu nombreuses.

Toutefois, j'ai rarement été satisfait de ce que j'ai pu observer, les solutions proposées étant souvent inadaptées aux problèmes que j'ai soulevé dans la première partie de ce texte, voire même contre-productives dans certains cas. J'ai deux reproches principaux à faire à la non-mixité telle qu'elle est mise en place dans le milieu du parkour. Ces deux constats reposent sur un détournement de la nature même de la non-mixité : elle n'est plus utilisée en tant que porte de sortie des oppressions sexistes, ce qu'elle devrait-être, mais soit comme porte d'entrée vers le milieu du parkour soit comme finalité.

Je pense qu'il est bon, ici, de rappeler que l'objectif théorique de la non-mixité est de faire reculer le patriarcat dans le milieu du parkour. Beaucoup de pratiquant.e.s oublient ça, et voient uniquement dans la non-mixité un « moyen de faire rentrer des filles dans l'asso », sans aucune conviction féministe, sans aucune remise en question des normes et des rapports d’oppression qui expliquent l'absence de filles dans l'asso en premier lieu. C'est un vrai problème, parce que certaines solutions fonctionnent très bien dans une perspective de recrutement, alors qu'elles sont particulièrement sexistes, et sont donc choisies par des groupes peu sensibilisés à ces questions. Il faut donc veiller à ne pas confondre ces objectifs.

Le premier détournement est donc de penser la non-mixité comme une porte d'entrée vers le parkour. Cela a des conséquences très diverses que je vais détailler ici.

Un des premiers symptômes de ce détournement, c'est qu'elle est mise en place par des mecs. L'initiative n'est presque jamais féminine. J'en ai touché un mot plus haut, mais derrière des apparences trompeuses, il s'agit bien souvent d'un groupe de mec cherchant à intégrer des filles à leur communauté (il y a bien sûr des contre-exemples, mais ils sont rares, et souvent peu satisfaisants, on y reviendra), parfois pour de mauvaises raisons, souvent d'une mauvaise façon.

Ainsi, la non-mixité est souvent pensée comme une zone-tampon pour que les filles déconstruisent leurs blocages, comme une pratique préparatoire pour pouvoir bouger avec des mecs et intégrer la « vraie » communauté, mixte. Cela sous-entend que c'est à elles seules de réfléchir aux problèmes du patriarcat : si une fille n'arrive pas à s'intégrer au groupe mixte, c'est « de sa faute », elle n'a pas assez confiance en elle, ne s'impose pas assez, elle devrait en rester à la non-mixité pour continuer à travailler sur elle. Bien souvent, les pratiquants n'ont pas conscience des attitudes ou comportements au sein du groupe mixte qui sont oppressants, et le seul effort de créer un créneau non-mixte devient « suffisant », puisque « féministe », et ferme la porte à l'auto-critique. Par ailleurs, le fait que seules les filles aient « besoin de ça » pour faire du parkour renforce l’idée que ce n'est pas fait pour elles, qu'elles ont besoin d'aménagements. C'est une démarche paternaliste, critiquable aussi bien politiquement que dans la pratique, puisqu'elle véhicule l'idée que les filles ne sont même pas capables de s'organiser entre elles, il faut que des mecs organisent la non-mixité pour elles.

Un autre symptôme, similaire, est le fait que, bien trop souvent, les cours en non-mixité (même quand ils sont à l'initiative de filles) sont encadrés par des mecs, ou dans les meilleurs des cas par des encadrants mixtes. J'enfonce sûrement des portes ouvertes en expliquant pourquoi c'est un problème, mais allons-y : le souci principal, c'est que, encore une fois, l'idée que seuls les mecs peuvent être réellement compétents dans le parkour est véhiculée. On se retrouve encore dans une situation où les mecs sont indispensables à la pratique féminine, les filles ne pouvant définitivement pas pratiquer seules, puisque même en non-mixité, elles ont besoin de mecs pour leur enseigner le parkour ! Je liste sans les développer les problèmes que cela cause : c'est un frein conséquent à la construction d'une autonomie/confiance en soi chez les pratiquantes, c'est un facteur de risque conséquent de diffusion de stéréotypes sexistes, même involontairement, par l'encadrant mec, ça détruit la perspective de se protéger d'un regard masculin, ça rend difficile les conversations critiques à l'égard de comportements sexistes, particulièrement si c'est celui d'un des encadrants, etc.

Le second détournement est de faire de la non-mixité une finalité. Beaucoup de pratiques y conduisent sans forcément que ce soit évident.

La non-mixité est souvent vidée de sa dimension politique, même dans des groupes strictement non-mixtes et organisés par des filles. Beaucoup de créneaux non-mixtes ne sont pas adaptés à une remise en question du patriarcat. En tant que démarche féministe et critique des normes sexistes, la non-mixité devrait s'accompagner d'une remise en question explicite de ces normes et d'une critique, quand c'est nécessaire, du comportement des individus les ayant intériorisés. Or, dans la majorité des cas, cette dimension politique est oubliée, et la non-mixité consiste simplement à faire du sport entre filles puis rentrer chez soi. Évidemment, ce tabou contribue grandement à l’intériorisation des normes sexistes, puisqu'elles ne sont jamais remises en question ouvertement. Il arrive même parfois que ces normes soient explicitement renforcées, même en stricte non-mixité.

C'est ici que le stéréotype selon lequel les filles ne pourraient pas performer physiquement dans le parkour fait son grand retour. Comme on l'a dit plus haut, la norme n'exclue pas qu'une fille pratique, juste qu'elle réponde aux standards de performance virilistes présentés plus haut. Cela dit, rien ne l’empêche de répondre à d'autres standards, plus « féminins ». Les normes de genre associent souvent la féminité à la grâce, la souplesse, la fluidité, et il n'est pas rare d'observer ça, aussi bien dans les discours que dans les pratiques : là où les mecs sont puissants et héroïques les filles sont précises, techniques. Le stéréotype est tellement ancré, aussi bien chez les pratiquants que les pratiquantes, qu'on a souvent l'impression qu'il y aurait deux parkour, le « parkour des mecs », physique, et le « parkour des filles », délicat. Il n'est pas rare que des groupes non-mixtes renforcent ce stéréotype.

Bien sûr, l’existence de ce « parkour féminin » dans l’imaginaire collectif des pratiquantes est séduisant pour certaines, qui se retrouvent plus facilement dans cette pratique que dans le parkour traditionnel, qui serait « masculin ». Cette idée est particulièrement vicieuse, en effet, elle ouvre une porte aux pratiquantes pour se faire une place dans le milieu du parkour. Ce stéréotype est même utilisé pour attirer des pratiquantes, j'ai déjà entendu des encadrant.e.s affirmer qu'il fallait faire des cours « moins physiques, plus techniques » pour que cela « attire un public plus féminin », particulièrement dans le contextes de cours non-mixtes. Et le pire, c'est que ça marche. Cela, à nouveau, à des conséquences : puisque la découverte du parkour se fait en non-mixité et que la pratique non-mixte est différenciée et déchargée de sa raison d'être politique, l'intégration au groupe mixte est rendue beaucoup plus difficile, puisque la discipline pratiquée n'est tout simplement plus la même. La non-mixité devient alors une fin.

Cette situation n'est pas satisfaisante : elle ne fait que renforcer la ségrégation liée au genre, et ferme toujours la porte aux filles d'une pratique libre du parkour, puisqu'elles sont enfermées dans une approche « féminine », différenciée de la pratique traditionnelle. La division renvoie d'ailleurs aux questions de virilisme et de culte de la performance évoquées plus haut : cette différenciation est rarement neutre, elle est souvent liée à un jugement de valeur. Pourtant, ces deux approches de la pratique ne sont pas forcément exclusives (elles sont même complémentaires) et devraient pouvoir être choisies librement, indépendamment du genre.

Cela n'a rien d'inédit, on le retrouve dans beaucoup d'autres sports. Le cas plus flagrant est sûrement celui de la gymnastique, où la pratique est non-mixte et hermétiquement cloisonnée, au point qu'il s'agisse carrément de deux sports différents, chacun correspondant aux stéréotypes du genre en question. Il est notable qu'en gymnastique non plus, la différenciation n'est pas neutre ou émancipatrice : certains branches de la pratique féminine sont codifiées de façon à répondre directement à des exigences esthétiques liées au regard et au désir masculin, bien que la pratique soit en non-mixité complète.

Pourtant, ces deux pièges ne sont pas une fatalité. Toutefois, cela nécessite une pratique de la non-mixité réellement émancipatrice, organisée par et pour des filles conscientes de ces enjeux. En effet, en pensant la non-mixité comme une réaction aux obstacles que rencontrent les filles dans leur volonté préexistante de pratiquer le parkour, il ne peut y avoir de différenciation, puisque l'objectif est précisément de combattre collectivement les stéréotypes qui en sont la cause. Par ailleurs, cela met en avant qu'il y a des filles qui font du parkour « comme des mecs » entre-elles et d'elles-mêmes, et qui refusent, au moins ponctuellement, de s’entraîner avec des mecs. Dans cette situation, l'indépendance des filles est réelle. Il ne s'agit plus d'un aménagement dégradant à la pratique, mais d'un choix politique, ce qui va à l'encontre de l'idée selon laquelle le parkour ne serait pas « fait pour elles ». Par ailleurs, cela peut plus facilement conduire à une remise en question du groupe masculin. Il me paraît fondamental d'aborder la non-mixité avec la conscience de ces deux pièges, et la volonté ferme de ne pas y tomber.

Je pense que ce qu'il faut retenir de cette critique, c'est que la lutte d’émancipation des femmes appartient aux femmes. Ce n'est pas aux pratiquants de fournir les outils qu'ils estiment adaptés aux pratiquantes. Le rôle des pratiquants désirant sincèrement contribuer à l’émancipation des femmes devrait déjà être, avant d'essayer de leur faire faire du parkour, de se remettre en cause, individuellement et collectivement. La responsabilité des mecs dans le patriarcat est indéniable, et commencer par là me semble incontournable. Par ailleurs, les pratiquants simplement motivés par le fait que « plus de filles fassent du parkour » sans réfléchir aux enjeux et au contexte devraient eux aussi se remettre en question, car leur exigence, déguisée en féminisme, est profondément sexiste.

Si des filles veulent pratiquer le parkour, il est évident que la communauté se doit de les accueillir, de leur faire une place, et de remettre en question ce qui, dans ses comportements, peut être un obstacle pour elles. Il est même possible, en fait, de leur proposer des outils d’émancipation si elles expriment des difficultés, de réfléchir collectivement avec elles des remises en questions de chacun. Il est même possible, pourquoi pas, de leur suggérer de s'organiser des créneaux non-mixtes, si on pense que ça peut servir, et qu'elles n'ont pas eu cette idée. Il n'est pas exclu non plus de critiquer quand c'est nécessaire celles qui diffusent des normes sexistes qu'elles ont elles-même intériorisé. Mais il est clairement déplacé, et il sera toujours déplacé, de faire les choses à leur place, tout comme il sera toujours déplacé de mettre la faute sur elles et d'oublier de se remettre en question.