A l'attention de D. Mahon et L. Duggan.
Messieurs,
En tant que président de l'association suisse de parkour (SPKA), je suis navré de constater que le dernier reportage concernant le parkour véhicule des informations trompeuses. Ainsi vous concluez le reportage en affirmant "Aujourd'hui le parkour a été intégré à la fédération suisse de gym et a rejoint le programme de Jeunesse et Sport". Vous reprenez également cette affirmation pour conclure un article publié en ligne. Bizarrement vous présentez Jesse Peveril comme membre du comité de SPKA, ce qui est exact, mais SPKA n'est mentionné nulle part dans le reportage.
La RTS avait pourtant réalisé en 2020 un reportage sur cette "intégration" controversée (Sport Dimanche, 15.11.20). En effet, le mot "intégration", cache le fait qu'il s'agit d'une appropriation top-down et unilatérale du parkour, effectuée autant au niveau international qu'au niveau national. En Suisse, les pratiquants sont toujours majoritairement opposés à cette appropriation, raison pour laquelle l'essentiel des organisations de parkour en Suisse sont membres de la SPKA, une fédération autonome, et non de la fédération de gym (FSG).
Votre affirmation est trompeuse, et je dois dire, personnellement blessante, puisque non seulement elle masque complètement l'existence de la SPKA, mais donne le beau rôle à la FSG en lui attribuant implicitement la responsabilité du parkour au sein de Jeunesse et Sport (J+S). Or, le J+S parkour est sous la responsabilité de SPKA, et non de la FSG. Nos membres ont effectué un travail acharné, souvent bénévolement, pour faire admettre cette nouvelle discipline, pour écrire le manuel, pour développer les contenus, pour se former en tant qu'experts. Durant ce processus, la FSG a tenté de nous mettre des batons dans les roues, pour éviter que les pratiquants soient en charge de leur propre discipline. Soyez sûrs que pour une petite organisation comme la nôtre, se confronter à la plus grande association sportive de suisse n'était pas une mince affaire. Aujourd'hui, nous déléguons certaines tâches à la fédération de gym, et nous collaborons avec quelques experts provenant de FSG, mais cela reste un projet dont nous sommes fiers d'assumer la responsabilité.
Votre erreur est d'autant plus regrettable que ParkourExpo est un des membres et un des principaux soutiens de SPKA. Il aurait suffi de poser la question à n'importe lequel des responsables sur place pour éviter de propager de fausses informations. Par ailleurs, il y a aujourd'hui en Suisse un certain nombre de personnes qui ont une réelle expertise du parkour, que ce soit comme formateurs au sein de Jeunesse et Sport, par leur engagement au sein de la fédération, ou parce qu'ils ont rédigé des mémoires universitaires, voire publié dans des revues scientifiques. Ce ne sont pas les seuls interlocuteurs possibles. Mais ils mériteraient peut-être d'être interrogés de temps en temps si l'enjeu est de présenter des informations fiables, dans quel cas je me tiens à votre disposition pour vous aiguiller vers des personnes avec l'expertise pertinente.
Votre reportage contribue à invisibiliser le travail de centaines de pratiquant.e.s passionné.e.s, qui depuis plus de deux décennies développent le parkour en Suisse, et se voient voler le fruit de leur travail par la plus grande association sportive de Suisse. Lorsque l'on donne de son temps bénévolement depuis des années, c'est extrêmement déprimant. C'est encore plus déprimant lorsque l'on voit les médias systématiquement légitimer cette appropriation. Et cela rend d'autant plus difficile certains des combats que nous avons encore à mener, notamment celui nous permettrait d'être admis au sein de Swiss Olympic. Je redirai donc ici ce que j'ai déjà dit à l'un de vos collègues l'an passé: vous les journalistes avez un choix à faire, nous aider à développer et structurer le parkour, ou continuer à invisibiliser notre travail.
Cordialement,
Yann Daout