Catégorie : <span>Philosophie</span>

La mise en spectacle du parkour

Dans cet article, je veux m’intéresser à la mise en spectacle du parkour par des acteurs qui ne sont pas eux-mêmes des pratiquants. Certes, on connait bien la mise en spectacle par les pratiquant.e.s eux-mêmes. Cette mise en spectacle a toujours posé des questions, notamment parce qu’il y a une tension entre les aspects viraux qui font que le parkour se diffuse (penser à l’image donnée du parkour dans les films qui l’ont diffusé dans le monde) et des aspects plus terre à terre qui font que le parkour peut être enseigné et pratiqué en sécurité, est toléré par les habitants, est considéré comme une activité légitime, etc.

Cependant, à mon avis le problème prend une ampleur différente et pose de nouvelles questions dès lors qu’il s’agit d’une mise en spectacle par des acteurs externes. Tandis que les traceurs.euses doivent se débrouiller avec l’image qu’ils donnent eux-mêmes de la discipline, des acteurs externes ont une responsabilité relativement faible, peuvent aisément se désolidariser de la discipline le cas échant, et ne sont jamais confrontés à la question de la transmission et de l’enseignement de la discipline. […]

Psychologie de l’attention, phénoménologie et féminisme

Dans un précèdent article, j’ai mentionné que la focalisation interne (sur le corps, le mouvement, la technique) est généralement moins bénéfique pour l’apprentissage et la performance que la focalisation externe (sur les résultats de l’action ou des indices perceptibles dans l’environnement). L’effet n’est pas négligeable, et existe pour des paramètres aussi divers que l’endurance, la force, la consommation d’oxygène, la vitesse, la distance de saut ou la stabilité du mouvement face au stress. Autrement dit, au lieu de dire à un.e pratiquant.e « plies tes genoux à 90° en atterrissant », on devrait lui dire « essaies de faire le moins de bruit possible ».

Cela peut paraître étonnant lorsque l’on est habitué aux conceptions traditionnelles du contrôle et de l’apprentissage moteur. Ces conceptions ont en effet tendance à mettre l’accent sur le fait d’améliorer les représentations internes du mouvement. Il faut que le/la pratiquant.e sache explicitement comment se positionner, quels mouvements faire, dans quel ordre, etc. Mais regarder ce phénomène au travers d’autres approches théoriques peut le faire sembler tout à fait naturel et évident. […]

Brotherhood Spirit: une critique

Brotherhood Spirit est le premier long métrage réalisé par Yoann Roig. Et disons-le tout de suite, c’est une première création réussie. Les images sont magnifiques, les plans s’enchaînent fluidement et de manière cohérente. On retiendra notamment une série de « runs » à Mexico City, entre forêt et ruines. Placés immédiatement après un paysage urbain, le contraste est intéressant et donne une atmosphère sauvage. Celle-ci est renforcée par l’utilisation d’une musique tribale et l’entrelacement du parkour avec des séquences de danse. On pourra noter également quelques passages amusants, comme ce traceur qui, entré dans un fort militaire abandonné sans s’être posé de questions, ne parvient plus à en sortir. Le film a aussi eu le mérite de redonner un élan de motivation aux traceurs.euses de la région, leur a “donné envie de bouger”.

On notera également le tour de force qui est de réaliser un documentaire avec si peu de personnel, et probablement de moyens. Seules deux personnes viennent prêter main-forte à Yoann en post-production (sans compter les voix-off). […]

Parkour should remain an alternative: a manifesto

Parkour is currently in the process of sportisation : development of institutions outside and above the game ; commodification ; development of competition ; quantification of performance ; regulation ; standardisation ; creation of artificial places functionally dedicated to parkour, and separated from spaces of everyday life ; abstraction and codification of the corporal skills , development of particular training courses, autonomisation of the game in comparison to the utilitarian roots of the parkour…

This manifesto wants to claim an other parkour. Not necessarily the one from the « origins », but the one which is dear to us, which has transformed our lives and has the potential to transform those of others. The one which is experienced as an alternative to the dominant sports model. The one which appears unique to us. The one which makes us say : parkour is not, and will never become like other sports. And yet…

The purpose is not to rally everyone. But to reaffirm the practice we believe in. […]

Manifeste pour que le parkour reste une alternative

Le parkour est une discipline en pleine sportification : développement d’institutions en dehors et au-dessus du jeu ; commercialisation ; mise en compétition ; quantification de la performance ; régulation ; standardisation ; création de lieux de pratique artificiels, fonctionnellement dédiés séparés des espaces du quotidien ; abstraction et codification des techniques corporelles, développement de formations spécifiques, autonomisation du jeu par rapport aux origines utilitaires du parkour…

Ce manifeste veut revendiquer un autre parkour. Pas nécessairement celui des « origines », mais celui qui est cher à nos yeux, qui a transformé nos vies et a le potentiel de transformer celles d’autrui. Celui qui est vécu comme une alternative au modèle sportif dominant. Celui qui nous parait unique. Celui qui nous fait dire : le parkour n’est pas, et ne deviendra jamais comme les autres sports. Et pourtant…

Le but n’est pas de rallier tout le monde, mais de réaffirmer la pratique en laquelle on croit. Libre aux autres de suivre un autre chemin. […]

S’entraîner au Parkour ?

S’entraîner au Parkour c’est quoi ?
Il y a l’apprentissage d’un répertoire technique. La maitrise de son corps et la compréhension du mouvement. Un développement physique et mental.
Être capable de se déplacer à toutes vitesses, dans tous types d’environnement, de manière sure et contrôlée. Être capable de faire face à toutes sortes d’obstacles, savoir ce que l’on est capable de faire ou pas.
Découvrir la notion de fluidité sur des mouvements et des enchaînements. Apprendre à bien se réceptionner après un saut en hauteur, en longueur, de travers, avec ou sans élan, avec une maitrise de la roulade. Apprendre à doser un saut, pousser plus ou moins fort et dans la bonne trajectoire pour un amorti léger, précis et équilibré.
S’entraîner à passer partout, prendre appuis sur un mur et se hisser au dessus, des murs de toutes tailles, avec tous types de revêtements. Être capable de grimper dans un arbre, sauter sur un tronc, une branche, une barrière, un poteau, marcher en équilibre sur une barrière, faire un tour sur sois même, se déplacer suspendu par les bras…
Faire un tic-tac, un passe muraille, un retour, un saut de fond, un saut de chat classique, plongé, inversé, intégral, un lazy-vault de face, de coté, un speed-vault, un passage glissé, un passage espagnol, une simple roulade, avant, arrière, de coté, plongée… Il existe une infinité de techniques à découvrir, à créer sur mesure…
S’aventurer dans toutes sortes de parcours et viser le « sans fautes » pour apprendre à se fixer des objectifs réalisables du premier coup.
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Interdire le dopage génétique, est-ce éthique ?

Récemment, l’agence mondiale antidopage (AMA) a publié la mise à jour de son code, applicable dès 2018[1]. Le dopage génétique y était déjà présent depuis 2003, en tant qu’éventualité, mais ce nouveau code compte maintenant une interdiction très spécifique de  « l’utilisation d’agents d’édition génomique conçus pour modifier les séquences génomiques et/ou la régulation transcriptionnelle ou épigénétique de l’expression des gènes ». Ceci fait également suite au développement de techniques de génie génétique prometteuses, telles que celle utilisant le fameux système CRISPR-Cas9. Pour le dire vite, la nouvelle règle de l’AMA interdit les techniques visant à supprimer ou ajouter des séquences d’ADN dans le code génétique, de même que celles permettant de désactiver ou d’activer des gènes spécifiques.

On peut trouver ça souhaitable, surtout lorsque l’on songe aux dommages que pourrait causer une prolifération sauvage de technologies modifiant génétiquement les humains, avec les risques sanitaires mais également normatifs (être modifié se normalise, et peut devenir une exigence pour mener une vie sociale ou professionnelle normale) auxquels on peut penser. […]

La compétition et le parkour

Ce texte s’intéresse à la question de la compétition en parkour, vise à clarifier la position « anti-compétition », à poser et critiquer des arguments fréquents, cela dans le but d’établir des bases afin de pouvoir élever le débat.

Commençons par relever 3 éléments, une fois pour toutes :

  1. Nous ne craignons pas pour notre pratique individuelle. Nous savons très bien que personne ne va nous forcer à faire de la compétition. Nous savons que, a priori, une pratique alternative est possible, même sous un modèle dominant (n’est-ce pas ce qu’est déjà le parkour, par rapport au monde sportif « traditionnel » ?).
  2. Nous ne sommes pas là pour imposer par la force notre modèle. Personne de sensé ne parle d’interdire la compétition. Néanmoins, nous considérons que le modèle non compétitif comme meilleur, et voulons donc le privilégier, en exposant de manière discursive les désavantages du modèle compétitif mais surtout en ne faisant pas la promotion des valeurs compétitives dans notre pratique personnelle (on pense ici principalement aux interactions avec les débutants ou le public, que ce soit entre amis, au sein d’une association, à travers les médias, etc.).
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Philosophie et pratique sportive

A la suite de Pierre Hadot et de Michel Foucault, la philosophie antique peut être conçue comme exercice spirituel, c’est-à-dire comme une “discipline dont l’enjeu est de transformer la manière de vivre, d’appréhender le monde”[1]. Il s’agissait indissociablement d’un discours et d’une mise en œuvre pratique, y compris corporelle. Or le discours et la pratique, l’intellect et le corps sont aujourd’hui le plus souvent séparés et même régulièrement montés en opposition. Dans le milieu scolaire par exemple, le sport est souvent perçu comme une perte de temps, limitant les activités intellectuelles. On argumentera ici au contraire le besoin d’une unité. Or, il me semble que l’on peut s’inspirer de la philosophie antique pour penser une telle unité et concevoir un mode de vie philosophique (ou une philosophie comme art de vivre) adapté à notre époque. Comment doit-on alors y penser la place du sport ?

Dans le langage courant, le mot sport est utilisé de manière peu spécifique, regroupant les jeux antiques et modernes, les pratiques physiques, qu’elles soient hygiéniques, compétitives, ludiques ou d’entrainement.

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Mais pourquoi ils font ça ?!

Introduction

Lorsqu’on m’a proposé d’écrire un article pour Urban Culture et pour la FPK, j’ai été bien chaud jusqu’à ce que vienne le moment de prendre la plume: qu’allais-je donc bien pouvoir écrire? Il me semblait que tous les sujets intéressants avaient déjà été choisis. Et si c’était pour rédiger des banalités dites et redites, autant m’abstenir. Je me suis donc abstenu – dans un premier temps. L’idée m’est ensuite venue d’utiliser un joker. J’ai donc fait appel à l’une de mes sœurs et à ma mère, toutes deux parfaites incultes en la matière, et leur ai demandé quelle était la première question qui leur venait à l’esprit lorsqu’on leur parlait du parkour. La réponse ne s’est pas faite attendre, elles ont répondu toutes deux dans un unisson quasi-symphonique, l’une « à quoi ça sert?« , et l’autre « quel est l’intérêt« .

Hum. Passés le terrible choc et la profonde désillusion liée à une telle incompréhension de la part de ma propre famille, je me suis dit que je tenais peut-être une idée à creuser. […]